LE POIDS DU TEMPS ET DES ANNÉES QUI PASSENT ? SAMETEGAL !

Plus vert et frais que jamais du haut de ses 12 ans, et alors qu’il n’avait plus passé le poteau en tête depuis mars 2016, date de sa première victoire de Groupe, le « FR » Sametegal a de nouveau goûté aux joies du succès hier, sur le steeple de Wincnanton, lui dont l’histoire a débuté dans la Sarthe, chez Pierre de Maleissye Melun, qui avait récupéré sa mère, Loya Lescribaa, elle-même issue de la grande souche du béarnais Louis Laffitte.

 

Toujours aussi consistant et régulier à 12 ans, le « FR » Sametegal a renoué avec la victoire hier, à Wincanton (© Twitter Harry Derham)

 

Si le sujet sur l’âge légal du départ à la retraite chez les humains fait l’objet de moult et incessants débats animés depuis des décennies, et ce dans de nombreux pays du globe terrestre, ceci est également le cas chez nos amis les chevaux de courses. En effet, en obstacle plus particulièrement, nombre d’équidés se voient disputer la dernière course de leur carrière bien avant leur dixième printemps. Cependant, ils sont tout autant à franchir ce cap, et à poursuivre leurs sorties en compétition quelques années durant, à onze, douze, treize, parfois quatorze ans, n’en déplaise aux éternels bien-pensants de la cause hippique. Malheureusement trop nombreux, ces individus imbibés de principes jusqu’au goulot estiment justement penser en bien de quelque chose qu’ils ne connaissent, pour l’immense majorité, que trop peu, voire même pas du tout. Et c’est bien entendu cette déconnexion chronique avec la réalité du terrain, qu’il s’agisse des courses en elles-mêmes ou de la vie de manière beaucoup plus générale, qui amène ces derniers à débiter une myriade d’inepties et, inévitablement, à se fourrer le doigt dans l’oeil jusqu’au fond du caleçon !

Car enfin, qui de mieux que l’entourage d’un cheval, en particulier un entraîneur, avec les hommes et les femmes de son écurie, cotoyant jour après jour et par tous les temps ces formidables athlètes, peut se permettre d’affirmer qu’un cheval doit être mis à la retraite ? Et quand bien même soient-il écarté de la compétition et des verts écrins des hippodromes, l’inactivité ne peut lui convenir. Il faut impérativement lui trouver une nouvelle strucuture d’accueil – chose à laquelle s’évertuent avec succès l’association Au-Delà des Pistes par exemple ou encore l’Écurie Seconde Chance – où ils pourront s’adonner à une nouvelle activité comme le concours complet, le saut d’obstacles, ou encore la randonnée, tout en continuant à être choyés et bichonnés par leurs nouveaux propriétaires. Comme ils l’étaient auparavant dans leur ancienne écurie de course ! N’oublions pas qu’il est dans leur nature de courir, du premier jour de leur existence à la fin de celle-ci. Et si rien ne vient perturber leur carrière sportive jusque-là ou qu’ils montrent à ceux qui les connaissent mieux que personne qu’ils ont toujours cette envie d’aller au combat, ces vieux guerriers peuvent encore être revus des années durant, et ce à notre plus bonheur.

 

Sametegal, à son retour vainqueur dans l’enceinte des balances de l’hippodrome de Wincanton (© Twitter Harry Derham)

 

Pas plus tard qu’hier d’ailleurs, le « FR » Sametegal a prouvé qu’il en avait encore sous la pédale en remportant un steeple-chase pour chevaux d’âge, sur l’hippodrome anglais de Wincanton, alors qu’il vient de souffler sa douzième bougie cette année. Associé au jeune et talentueux Harry Cobden, qui connait une belle réussite sur les obstacles d’outre-Manche avec des pensionnaires nés et élevés en France arrivés ensuite dans les boxes de son patron, Paul Nicholls, Sametegal a tout d’abord évolué en milieu de peloton, avant de venir sur la ligne de tête à cinq obstacles de la fin, puis de prendre résolument l’avantage au franchissement de l’antépénultième difficulté. Empoigné par son partenaire avant la der’, le fils de Saint des Saints est ensuite très bien reparti sur le plat pour contenir jusqu’au bout la bonne attaque de Porlock Bay (Kayf Tara), autre concurrent « FR » anciennement entraîné dans l’Hexagone par François Nicolle, finalement deuxième devant Captain Cattistock (Black Sam Bellamy), ex-compagnon d’entraînement du lauréat. Mais d’où vient ce cheval sur qui le temps n’a pas d’emprise ?

 

 

La genèse de cette histoire nous ramène au début des années 1990, dans le Sud-Ouest, où Montafine, pur produit de l’élevage Buzy-Cazaux, venait d’intégrer celui baliracois de Pascale et Louis Laffitte, dans le Béarn, après cinq victoires en plat et en obstacle et avoir donné naissance à ses trois premiers produits, chez Madeleine Lacourrege. Cette fille de Montfleur est ensuite devenue la jument de base de l’élevage Lescribaa, donnant naissance à quatre produits, tous gagnants, parmi lesquels figure notamment Mona Lisaa, quadruple lauréate en obstacle chez Jacques Ortet, avant d’officier comme poulinière à son tour, et d’engendrer le non moins doué Moussu Lescribaa, triple lauréat sur les balais d’Auteuil et notamment dans le Prix Stanley (L.) en 2004, face à Balko, offrant alors le jumelé gagnant à leur entraîneur de l’époque, Guillaume Macaire.

 

Photo collector de Montafine, dans les prés béarnais de Pascale et Louis Laffitte, aux côtés de la toute Manon Lescribaa devenue ensuite la grand-mère de Sametegal

 

Le maître-entraîneur royannais, aujourd’hui associé avec le jeune Hector de Lageneste, a également eu sous sa férule Loya Lescribaa, une nièce de Mona Lisaa et petite-fille de Montafine qu’il avait acheté à Louis Laffitte avec l’un de ses fidèles propriétaires, l’Anglais Terry Amos, pour qui elle s’est classée troisième à deux reprises en haies avant de s’accidenter. C’est alors que les deux comparses décident de la placer à l’élevage, aux bons soins de leur vieil ami de tout là-haut, dans la Sarthe, Pierre de Maleissye Melun, qui a accepté le partenariat et accueilli ladite jument au sein de sa structure nichée au début des Alpes Mancelles. Sarthoise d’adoption mais Béarnaise de coeur, Loya Lescribaa a donné naisance en tout et pour tout trois produits à Terry AmosPierre de Maleissye Melun et Guillaume Macaire, de 2009 à 2011, avant de malheureusement passer l’arme à gauche un an après la naissance du dernier. Mais quels produits !

 

Pierre de Maleissye Melun (à droite), posant lors d’une édition du Show AQPS Ouest aux côtés de Terry Amos, co-éleveur de Sametegal…

 

Le deuxième, Ainsi Fidèles, fils de Dream Well, s’est brillamment imposé pour ses débuts, sur les haies de Bordeaux-Le-Bouscat, paré de la casaque de Terry Amos, avant de traverser la Manche et de rejoindre les boxes de David Pipe, pour qui il s’est imposé à sept reprises sur les gros obstacles, notamment dans le Reynoldstown Novices’ Chase (Gr.2) d’Ascot. Ses nouveaux propriétaires, Simon Munir et Isaac Souede, l’ont ensuite renvoyé à Royan, chez Guillaume Macaire, s’imposant une nouvelle fois au Bouscat, en steeple, avant de terminer sa carrière par une deuxième place sur les balais de Compiègne, derrière le bon Saint Palois. Le troisième et dernier, résultant des oeuvres de l’atypique Forestier, n’est autre que Le Costaud, magnifique cheval alezan vainqueur à treize reprises en obstacle, dont deux fois au niveau Gr.1, en Italie, dans le Grande Steeple-Chase di Europa (Gr.1) ainsi que dans le Gran Premio Merano (Gr.1). Deux frères « black-type » en obstacle, qui n’ont fait qu’imiter leur aîné et premier produit de Loya Lescribaa: Sametegal.

 

… avec Guillaume Macaire, à ses côtés pour les ordres donnés à James Reveley avant de monter Le Costaud, frère de Sametegal, lors du Grand Steeple-Chase de Compiègne (Gr.2) en 2018 (© APRH)

 

En effet, ce fils de Saint des Saints a lui aussi débuté sa carrière chez Guillaume Macaire, sous la casaque de l’un de ses co-éleveurs, Pierre de Maleissye Melun, s’imposant dès sa deuxième sortie, à Enghien, dans le Prix des Cévennes, avant de rejoindre la Perfide Albion et les boxes d’un autre grand metteur au point de la disicipline de l’obstacle: Paul Nicholls. Il a d’ailleurs étrenné au mieux ses nouvelles couleurs, celle de la célèbre casaque jaune cerclée de mauve de James-Douglas Cotton, en s’imposant d’emblée à Wetherby, dans un Juvenile Hurdle labellisé Listed, sous la selle de la légende Ruby Walsh. Lauréat ensuite à trois autres reprises, mais à moindre niveau, Sametegal a réussi à obtenir sa première victoire de Gr.3 en mars 2016, sur l’hippodrome de Newbury, lui qui comptait déjà plusieurs places à ce niveau lors de ses sorties précédentes, terminant notamment troisième d’Our Conor, lors du festival de Cheltenham 2013, dans le JCB Triumph Hurdle (Gr.1).

 

Les (toujours) jeunes Jacques Ricou et Sametegal (alors âgé de 3 ans) sur les haies d’Enghien (© APRH)

 

Un cheval toujours aussi compétitif à 12 ans qui vient de mettre fin à près de cinq années consécutives sans victoires, au cours desquelles il a néanmoins glané sept autres places sur le podium, dont trois « black-type », et ce en l’espace de onze sorties depuis son dernier succès. Ravi de cette victoire, son entraîneur Paul Nicholls a déclaré à la presse spécialisée britannique: « Il n’avait plus gagné depuis cinq ans mais a toujours été très régulier. Son objectif se situe désormais à Aintree, au mois d’avril, car il est souvent bien à cette époque de l’année. Il a été formidable aujourd’hui. Il n’a pas une grosse pointe de vitesse finale mais est bien reparti pour conserver l’avantage jsuqu’au bout. C’est bien pour ces vieux chevaux de pouvoir gagner une course de ce genre« . À croire que l’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour Sametegal… ni pour ses éleveurs associés Terry AmosGuillaume Macaire et Pierre de Maleissye Melun d’ailleurs, à qui ce mot ne fait pas encore partie du vocabulaire, et comptent continuer à produire et « fabriquer » des chevaux non seulement performants en piste, mais aussi capables de durer avec le temps… et pour longtemps !